Vers la fin des « blogueurs influents » ? Et de l’internet gratuit ?

Regardant ce 12 mai l’émission sur France 5, « Medias le mag », un reportage était consacré à la baisse des revenus publicitaires, tous médias confondus.

Un article du Figaro annonce la couleur, dès mars 2013, et c’est très clair :

Les recettes publicitaires des médias français ont chuté de 3,5% en 2012, pour s’établir à 13,3 milliards d’euros, en raison d’un contexte économique difficile, selon l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep) et France Pub.

« Cette tendance baissière concerne la majorité des familles de médias », a résumé Philippe Legendre, directeur délégué de l’Irep, lors d’un point presse.

3,5% de baisse. C’est ce qui s’appelle une claque. Même si cela réjouie mon coeur de publiphobe qui en a marre de la pollution qu’est la publicité, une question se pose : allons-nous voir disparaître à terme les « blogueurs influents » qui dépendent de manière importante de la publicité ?

Et si cela permettait de dédouaner les utilisateurs qui ne sont pas responsables de la crise et qui veulent juste éviter de subir un viol de la rétine quand ils vont sur le moindre site, ce ne serait pas un mal. Car culpabiliser les utilisateurs car ils osent vouloir surfer sans publicité, c’est dégueulasse !

Dans un article vieux d’un mois, je parlais déjà des dégats des financements par la publicité, en reprenant un article de PC-Inpact où j’avais été cité ainsi que le méchant Cyrille.

Dans un article encore plus vieux, consacré au « free adgate », j’avais déjà dénoncé la dépendance de certains « blogueurs influents » à la publicité pour faire vivre leurs sites.

Le problème est toujours le même : comment pouvoir financer son blog ? La publicité ? Une idée qui est dangereuse car elle peut entrainer de la pollution visuelle et laisser planer un doute sur la sincérité des articles.

Demander les dons ? Une autre possibilité. Mais en ces temps de crise, les portes-monnaies sont plus consacrés à des dépenses autrement plus primordiales : nourriture, logement, vêtements.

Dans un très long article et très interessant, Cyrille Borne avec son langage fleuri nous annonce que la gratuité est désormais moribonde.

En reprenant un article de PCInpact, il nous démontre que nous vivons une époque charnière, je cite en partie son dernier paragraphe :

[…] Les solutions basées sur le don, car c’est une forme de don, n’ont pas d’avenir, les sollicitations sont trop nombreuses, il faudra prendre tôt ou tard une décision pour savoir où l’on va, c’est la volonté de tout un chacun je pense, savoir dans quoi on s’engage. Passer au modèle payant c’est la mort assurée, la seule issue restant c’est de se vendre à un grand groupe. A terme la boucle sera bouclée quand tous les gros sites auront été achetés ou ceux qui présentent un intérêt, quand il n’y aura plus rien ou pas grand chose, les majors pourront envisager de mettre en place le modèle qu’elles souhaitent.

Je ne suis pas vraiment d’accord avec l’idée que les majors de l’édition décideront tout ce qu’on pourra lire à terme.

Je dois dire que depuis que j’ai ouvert ce blog, je n’ai jamais cru en la pérénité des « blogueurs influents » et que l’affaire de l’adgate de Free n’a montré qu’une chose : qu’influence et financement publicitaires était assez souvent lié. Je n’ai qu’un millier de pages vues par jour, et cela me suffit largement. Et cela me permets de rester indépendant, même si j’ai pu recevoir de temps à autre des propositions pour écrire des articles sponsorisés.

Je pense que d’ici un an ou deux, les « blogueurs influents » auront perdu pas mal de puissance, certains se limitant à être des photocopieuses de communiqué de presses à peine retouché.

Et que seuls les blogueurs qui ont toujours refusés de mettre de la publicité ou de faire des articles sponsorisés resteront en place, même s’ils n’ont que quelques centaines ou quelques milliers de pages vues par jour. L’activité de bloguer devrait rester – dans l’absolu-  une activité bénévole. Car vouloir vivre de son blog, c’est un doux rêve.

Car l’internet gratuit n’est pas encore mort. Il bouge encore, même si ses mouvements sont encore faibles. Et il faut faire attention de ne pas enterrer une personne encore vivante.

9 réflexions sur « Vers la fin des « blogueurs influents » ? Et de l’internet gratuit ? »

  1. Difficile de ne pas adhérer à de tels propos ainsi qu’à ceux de l’ami Cyrille . Ce qui est certain , ce face à face entre publicité et internautes est loin d’être fini. Nombreux sont ceux dont moi la première utilisant Firefox et Adblock Plus ce qui évidemment touche au porte-monnaie des publicistes et des entreprises. Mais chacun a un pouvoir , celui de décider et gérer sa liberté. L’internaute n’est pas un otage ni un lobotomisé par la publicité, il est libre de le devenir si il le veut. Perso c’est niet ! La grosse question c’est l’avenir. Par rapport à avant , la publicité a sans doute dépassé des limites auxquelles elle n’était jamais arrivé et elle en veut encore plus ? Tant que l’on saura dire non et rester indépendants, nous les blogueurs,l’avenir est encore possible.

  2. Les publicistes à force de vouloir vendre à tout va sont en train de perdre la main, les revues papiers envahies par la publicité se vendent moins bien, les petites étiquettes « no Pub » sur les boites aux lettres se mettent à fleurir et les espaces publicitaires au milieu des films ou séries me gonflent.
    Pour moi tenir un blog, c’est déjà avant tout se faire un petit plaisir… « sans pub ».
    A pluche.

    1. Bonsoir Frédéric,

      Tu parles bien de « blogueur influent », c’est de mon point de vue, c’est exactement ce que vous êtes Cyrille et toi car libres et indépendants.

      Je te renvois à ce billet de l’ami Cyrille : http://www.cyrille-borne.com/index.php?post/2012/11/18/Les-probl%C3%A8mes-de-la-mon%C3%A9tisation

      Ici, tu as fait le choix de t’héberger sur les pages personnelles de Free, pas de coût pour toi donc pas de pub, CQFD !

      Vivre de son blog est pour moi une hérésie complète.

      J’irais plus loin en me référent à cette maxime : « quant on aime, on ne compte pas ».

      J’ai, pour ma part, fait partie du staff (jusqu’au rang de co-administrateur) du site http://www.invisionboard.fr , bénévolement pendant des années, site de support francophone pour un script de forum bien connu. Et bien, non content de ne rien toucher de la société éditrice du fameux script, j’avais acheté à l’époque TOUS les modules du script pour en faire du support, et ce, toujours de façon bénévole !

      ça, c’était pour la démonstration à la limite du 3615 ma vie, j’ai toujours eu naturellement plus de confiance dans les propos de quelqu’un qui n’a rien à me vendre…

      1. Si un blogueur influent l’est avec un millier de pages vues par jour, wow !

        Ici, tu as fait le choix de t’héberger sur les pages personnelles de Free, pas de coût pour toi donc pas de pub, CQFD !

        Vivre de son blog est pour moi une hérésie complète.

        Les seuls frais que j’ai ? Ceux de ma connexion internet. Et si j’ai pris un espace free, c’est pour une simple raison : j’en avais un déjà disponible. Et aussi car je n’avais pas envie de me prendre la tête à utiliser un serveur dédié.

        Un blog, c’est fait pour partager, pas pour en vivre.

  3. Article intéressant et point de vue tranché. Pour autant, certains font le choix de proposer un contenu travaillé, différent, de qualité (après l’appréciation est évidemment subjective), et de le vendre, par le biais de la publicité et/ou d’abonnements.

    Reprenons l’exemple de PC INpact, c’est un site indépendant sur le high-tech, avec des journalistes salariés, qui réalisent de vraies enquêtes et analyses sur des sujets d’actualité ou juridiques (droits d’auteur…), pas simplement un copier-coller de dépêches. Ils proposent un choix aux internautes, avec en plus (comparé à d’autres) une politique raisonnable en matière de pubs (non intrusives, certaines désactivables).

    Ils ne s’en sortent pas financièrement : est-ce à dire que leur modèle n’est pas viable, qu’ils n’apportent aucune valeur ajoutée, que les internautes refusent de payer, considérant l’immatériel comme devant être gratuit ?

    Leur problème n’est pas seulement ceux – très nombreux – qui masquent les bannières et annonces, c’est aussi le marché publicitaire en général qui baisse, comme vous le soulignez, la TVA à taux réduit de 2,1% non encore accessible à la presse en ligne, Google qui référence de moins en moins bien leur comparateur de prix (parfois au profit du sien, abus de monopole ?)…

    Le sujet est vaste, chacun a la possibilité – sinon le droit – d’utiliser des bloqueurs de pub / de tracking (moi-même je le fais, je le reconnais, en gérant manuellement mes listes blanches), c’est souvent justifié tant les régies exagèrent dans les formats dérangeants, le ciblage… De l’autre côté des créateurs de contenus qui veulent diffuser leurs travail sous la licence de leur choix et en vivre réellement (ce n’est pas le cas de tous les blogueurs).

    Sujet complémentaire, vous qui aimez aussi tester régulièrement les nouvelles distributions Linux, j’aimerais savoir ce que vous pensez de ce sujet (c’est le troll du jour) : Debian Wheezy, la dernière version stable de la célèbre distribution libre (l’une des références majeures) propose, dans sa version Gnome (choix assumé du développeur) le navigateur Iceweasel livré par défaut avec Adblock installé et activé, filtre Easylist qui bloque donc de base la très grande majorité des pubs :
    http://linuxfr.org/users/valeryan_24/journaux/adblock-maintenant-installe-par-defaut-sur-debian-7-bonne-chose-ou-initiative-malheureuse

    Je voudrais votre avis, non sur le débat maintes fois abordé « Adblock ennemi du Web ou mal nécessaire / libre choix de l’utilisateur », mais sur le principe : de même qu’un fournisseur d’accès (cf le Free Adgate), est-ce le rôle d’un système d’exploitation de sortir de sa neutralité et de mettre Adblock directement ?

    L’addon aurait pu être installé mais sans être activé, laissant à chacun la décision en conscience de s’en servir ou non. La philosophie du libre n’est-elle pas également, outre de permettre la consultation des sources, la diffusion sous une licence compatible, de respecter le choix de tous concernant justement la licence, qu’elle soit opensource ou propriétaire ?

    Qu’aurait-ton dit si c’était Canonical (Ubuntu), Microsoft (Windows) ou Apple (Mac OS) qui avait fait de même ? Sans nul doute un océan de critiques se serait abattu sur eux, alors qu’ici les réactions sont plutôt en soutien de Debian. Cela ne me surprend pas, mais pourquoi deux poids, deux mesures ?

    Je souhaiterais vraiment connaître votre sentiment sur ce point 🙂

    1. Je vais répondre uniquement sur cette partie.

      Sujet complémentaire, vous qui aimez aussi tester régulièrement les nouvelles distributions Linux, j’aimerais savoir ce que vous pensez de ce sujet (c’est le troll du jour) : Debian Wheezy, la dernière version stable de la célèbre distribution libre (l’une des références majeures) propose, dans sa version Gnome (choix assumé du développeur) le navigateur Iceweasel livré par défaut avec Adblock installé et activé, filtre Easylist qui bloque donc de base la très grande majorité des pubs :
      http://linuxfr.org/users/valeryan_24/journaux/adblock-maintenant-installe-par-defaut-sur-debian-7-bonne-chose-ou-initiative-malheureuse

      J’avoue que je l’apprends. Je ne me suis pas plongé dans les entrailles du IceWeasel fourni par défaut.

      Je voudrais votre avis, non sur le débat maintes fois abordé « Adblock ennemi du Web ou mal nécessaire / libre choix de l’utilisateur », mais sur le principe : de même qu’un fournisseur d’accès (cf le Free Adgate), est-ce le rôle d’un système d’exploitation de sortir de sa neutralité et de mettre Adblock directement ?

      Surtout que c’est le logiciel qui est proposé avec Adblock, et non l’OS en lui même. L’OS se limitant à gérer les taches qu’on lui demande de gérer. Dans ce cas, c’est plus la responsabilité de l’empaqueteur qui est en jeu que l’OS lui même.

      L’addon aurait pu être installé mais sans être activé, laissant à chacun la décision en conscience de s’en servir ou non. La philosophie du libre n’est-elle pas également, outre de permettre la consultation des sources, la diffusion sous une licence compatible, de respecter le choix de tous concernant justement la licence, qu’elle soit opensource ou propriétaire ?

      Théoriquement oui. Mais peut-on considérer la publicité comme une information ? Ou comme de la propagande au sens premier du terme ?

      Qu’aurait-ton dit si c’était Canonical (Ubuntu), Microsoft (Windows) ou Apple (Mac OS) qui avait fait de même ? Sans nul doute un océan de critiques se serait abattu sur eux, alors qu’ici les réactions sont plutôt en soutien de Debian. Cela ne me surprend pas, mais pourquoi deux poids, deux mesures ?

      Car il y a deux catégories différentes en jeu. D’un coté du commercial (Canonical, MS et Apple) et de l’autre du communautaire, à savoir Debian GNU/Linux.

      Mais j’avoue que j’ignorais complètement la présence de l’extension dans IceWeasel. Et sur 100 utilisateurs de la Debian, combien noteront cette présence ?

      Pour tout dire, si l’affaire fait si peu de bruit, c’est que personne ne l’a remarqué. Et j’avoue que la liberté, c’est aussi la possibilité de ne pas être envahi par la publicité aussi sur la toile.

      Enfin, je répondrais sur le financement par la pub : c’est casse-gueule au possible. Et vouloir vivre de la publicité, c’est suicidaire. Ce que refuse nombre d’internautes, ce n’est pas de payer, c’est d’être agresser à longueur de journée par des publicités.

      Pour résumer simplement : les publicitaires ont joués aux cons, ils récoltent ce qu’ils ont semés.

  4. En tant que nouvel influenceur (cf G+)… non je rigolol.
    En fait, je ne suis pas d’accord : certains blogs « influents » (mais quelle influence au fait ?) sortent aussi des articles intéressants, en plus des reprises de communiqués.
    Faut-il leur jeter la pierre ? Non Pierre.
    Plutôt jeter la pierre à leur choix de financement.
    Si je n’était pas publiphobe à outrance, je désactiverais AdB+ sur PCi ou Nikopik par exemple.
    Mais je suis un gros con hein 🙂

  5. Merci pour la réponse rapide 🙂

    Surtout que c’est le logiciel qui est proposé avec Adblock, et non l’OS en lui même. L’OS se limitant à gérer les taches qu’on lui demande de gérer. Dans ce cas, c’est plus la responsabilité de l’empaqueteur qui est en jeu que l’OS lui même.

    Tout à fait, c’est une décision politique assumée par le développeur : http://lists.debian.org/debian-release/2012/09/msg01241.html

    Mais il y a eu un report de bug, des échanges, in fine Debian dans son ensemble (sur la version Gnome) a validé ce choix, la distro est donc bien responsable.

    Théoriquement oui. Mais peut-on considérer la publicité comme une information ? Ou comme de la propagande au sens premier du terme ?

    Enfin, je répondrais sur le financement par la pub : c’est casse-gueule au possible. Et vouloir vivre de la publicité, c’est suicidaire. Ce que refuse nombre d’internautes, ce n’est pas de payer, c’est d’être agresser à longueur de journée par des publicités.

    Pour résumer simplement : les publicitaires ont joués aux cons, ils récoltent ce qu’ils ont semés.

    Pour ma part également la pub est de la propagande, voire même une agression visuelle, sonore et intellectuelle. Du reste j’utilise moi-même Adblock Edge (le fork sans l’hypocrite option « pubs non intrusives » impliquant que chaque webmaster ou régie passe un accord avec Adblockplus afin d’y être inclus…), donc sur certains sites n’offrant que ce modèle de rémunération, j’assume de ne pas payer, sur d’autres je suis abonnée Premium et/ou j’active les listes blanches.

    Mais c’est moi qui, en conscience, choisis. Je ne veux pas qu’un intermédiaire, fournisseur d’accès ou système d’exploitation, le fasse à ma place et m’oblige à le décocher (opt-out).

    Car il y a deux catégories différentes en jeu. D’un coté du commercial (Canonical, MS et Apple) et de l’autre du communautaire, à savoir Debian GNU/Linux.

    Mais j’avoue que j’ignorais complètement la présence de l’extension dans IceWeasel. Et sur 100 utilisateurs de la Debian, combien noteront cette présence ?

    Pour tout dire, si l’affaire fait si peu de bruit, c’est que personne ne l’a remarqué. Et j’avoue que la liberté, c’est aussi la possibilité de ne pas être envahi par la publicité aussi sur la toile.

    Les réactions globales sur les deux forums où j’ai lancé le débat ne me surprennent pas, que ce soit pour le côté anti-pub (je le partage) et le soutien à Debian.

    Certes, MS et Apple sont des sociétés commerciales avec un OS propriétaire, Canonical gère effectivement plus en interne qu’en communautaire mais Ubuntu est libre, et je suis certain que si eux activaient Adblock, ce serait un tsunami de critiques 😉

    Après, ce qui me « déçoit » aussi : même si je ne l’utilise pas directement, Debian est pour moi (et pour beaucoup d’autres j’imagine) une référence dans le monde Linux, pour son exigence en terme d’opensource (refus de tout module privateur, allant donc jusqu’à forker Firefox en raison du logo pour Iceweasel) ou de stabilité.

    S’il avaient pré-installé Adblock mais sans l’activer, avec l’écran d’accueil laissant le choix (opt-in) à l’internaute de le faire, ou si Linux Mint (contre qui je n’ai rien mais qui n’a pas la même symbolique) fournissait aussi cet addon, cela ne m’aurait pas choqué et je n’aurais pas posté cette discussion…

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