Et si la chance de GNU/Linux était d’être un marché de niche ?

Depuis des années, la part de marché de Linux sur le bureau est d’un petit pourcent, bon an mal an.

Et quand on voit l’explosion de la population internaute, on se dit que ce petit pourcent, cela fait – si on prend une population internaute de 2 milliards d’individus – 20 millions de personnes. Pour donner un ordre d’idée, cela fait 1/3 de la population française métropolitaine.

Evidemment, on est loin des 10% d’utilisateurs de MacOS, et des 89% restants utilisant (de plein gré, par ignorance ou par peur d’être paumé) différentes versions de MS Windows, plus ou moins incompatibles entre elles, en fonction des caprices de Microsoft.

Cela fait maintenant près de 7 ans que je n’utilise plus que du linux sur mes différents PC, avec plusieurs distributions, chronologiquement : Mandrake, Fedora, Ubuntu, OpenSuSE, Archlinux, Frugalware, Archlinux, Frugalware et enfin Archlinux 😉

Je ne me considère nullement supérieur car j’utilise cet OS libre. Simplement, j’utilise cet OS car il correspond à ma vision de l’informatique, qu’il ne me coûte pas un centime, qu’il est fiable, fonctionne de manière correcte sur mon vieux portable d’environ 3 ans d’âge, et sur ma tour qui a plus d’un an d’age, sans ralentissement. Les deux ayant un équipement logiciel à peu près identique : Archlinux avec Gnome 3.2 et son Shell.

Une des raisons pour laquelle les distributions linux sont peu répandus chez les utilisateurs pour le bureau (alors que les outils employant linux sont légions : ma freebox et les box des opérateurs, les téléphones androïd, les serveurs des fournisseurs d’accès et des sites comme Wikipedia, Google, etc…), c’est qu’on ne fait pas attention à son existence.

Autre raison : la vente liée, de plus en plus condamné par la justice.

Troisième raison : la pensée binaire, « si tu n’utilises pas de PC, alors tu utilises un Mac » et inversement.

Quatrième raison : l’abondance de l’offre. Il y a des distributions pour différents niveaux d’utilisateurs, différents environnements, et le choix, ça fait peur… C’est tellement plus simple d’avoir une interface imposée 😉

Cinquième raison : les utilisateurs ont horreur de lire de la documentation. Oui, c’est une raison que l’on aborde pas si fréquemment que cela. Les utilisateurs ont horreur de lire de la documentation. Comme si on pouvait dire qu’utiliser un ordinateur était aussi simple que d’utiliser un ouvre-boîte !

Alors qu’elle existe et qu’elle est souvent traduite (avec des taux de fiabilité plus ou moins importants), lire pour utiliser un ordinateur, ça fait peur !

Depuis l’arrivée des interfaces graphiques pour le grand public, on a tout fait – dans le but généreux de démocratiser l’informatique personnelle – de simplifier faussement l’apparence de l’informatique.

Quand j’ai eu mon premier ordinateur, en 1989, je n’avais sur l’écran qu’un fond bleu, une écriture jaune, et un prompt (j’ignorais que cela s’appellait ainsi) me disant « Ready ».

Pour utiliser l’ordinateur, il fallait lire la documentation, du moins les premières pages, ne serait que pour savoir comment lancer un programme, ou pour les plus courageux, apprendre à écrire en Locomotive Basic (voire en assembleur z80 avec l’outil adapté) ses propres programmes.

Je dois avouer que lorsque j’ai utilisé pour la première fois une interface graphique avec des icones et une souris, j’ai été paumé. C’était le Workbench 3.0 de mon Amiga 1200…

J’avoue que la première fois que j’ai mis la main sur une distribution linux, j’avais été formaté interface utilisateur graphique. Autant dire que la Slackware 3.quelquechose avec un noyau linux 1.2.10 et son bash me paraissait bizarre.

Petit aparté en passant.

Mais il faut dire que la console utilisateur est ultra-puissante quand on la connait. Est-il plus rapide pour créer une archive de taper :


tar cvfj mon-archive.tar.bz2 répertoire

Ou de cliquer droit sur le répertoire, puis choisir l’option compresser, puis dire qu’on veut du tar.bz2 ?

Fermons cette petite parenthèse.

Une des raisons du succès – en train de s’essouffler au profit de la Linux Mint ? – de Canonical et de sa distribution Linux, c’est de l’avoir faussement simplifié pour faire oublier la ligne de commande (qui n’est pas si effrayante que celà) pour passer en graphique, et de faire de l’utilisateur une personne qui se limiterait à cliquer sur telle ou telle icone, hiéroglyphe moderne.

A croire que lire de la documentation est devenue une insulte, une chose ingrate. Car si on se plonge dans les wiki de certaines distributions, ce sont des mines d’or coté informations.

Je ne compte plus le nombre de fois que j’ai pu dépanner des utilisateurs en me basant sur le wiki d’archlinux, même si les utilisateurs en questions utilisait une autre distribution, voire même si elle utilisait Windows.

De nos jours, les utilisateurs ne veulent pas avoir à lire, ils veulent directement utiliser les ordinateurs, comme si on pouvait utiliser un ordinateur sans avoir pris des cours d’initiation, même basique auparavant…

J’ai encore la remarque d’une amie qui s’était formé sur le tas en informatique, et qui au bout de 5 années d’utilisation assez régulière de l’informatique découvrait l’existence du copier-coller…

Linux est un OS ultra documenté, et c’est peut-être l’abondance de cette documentation qui fait peur. Car les OS non libres donnent la fausse impression d’être rapidement « maitrisable » sans avoir besoin de compulser de la documentation…

Si on prend 100 utilisateurs de Windows ou de MacOS, je parie qu’une bonne partie ne connait pas des fonctionnalités basiques comme le copier-coller, savoir retirer proprement une clé USB (car le nombre de personnes qui arrachent les clés USB…) pour prendre les deux premiers exemples qui me viennent à l’esprit.

Pour nombre de personnes, lui dire : c’était dans la documentation, telle page, tel paragraphe, c’est une horreur. Car il faut qu’elle fasse l’effort de lire et de suivre des étapes souvent clairement expliquées… Et de se sentir pris en faute.

L’informatique, c’est de la mécanique. Faire croire que l’informatique, c’est « tu cliques ici, tu déplaces ta souris là, et tu recliques ici », c’est réducteur, trompeur.

Les utilisateurs de linux (et des BSD libres) sont des personnes qui n’ont pas peur de se plonger dans de la documentation. Oui, des personnes qui se force à lire parfois plusieurs pages de wiki ou de manuels pour trouver les options à mettre en place.

Cela n’en fait nullement des personnes supérieures, mais des personnes qui savent que rien n’est magique, et qu’il est nécessaire parfois de se sortir les doigts de l’arrière-train pour faire avancer les choses.

Qu’ils soient minoritaires, c’est un fait. Mais est-ce un mal au final ? Ou une chance pour proposer un minimum de qualité et avoir des OS qui ne plantent pas à cause d’un pilote codé avec les pieds ?

A vous de décider 🙂