« Jardin Secret » de Korydwenn : une initiation au chant du Moyen Âge central ?

On appelle Moyen Âge central, la période de l’histoire européenne entre l’an 1000 et l’épidémie de peste des années 1340. Bien quel’époque médiévale fut une période de progrès lents sur le plan scientifique – l’Église Catholique Romaine ayant un poids énorme sur le pouvoir politique et la société – c’est aussi une période qui vit naître des mouvements comme le Fin’Amor appellé amour courtois par la suite.

Une tradition importée dans le royaume de France par une certaine duchesse peu connue, Aliénor d’Aquitaine qui pour les britanniques est connue sous le nom d’Éléanor de Guyenne…

Désolé pour cette longue introduction, mais il faut bien mettre en place le contexte pour pouvoir apprécier à sa juste valeur le premier album solo de Claire Bénard alias Korydwenn. J’avais découvert son projet de chant médiéval sur Ulule – où vous pouvez écouter un extrait du dit album – et j’avais décidé à l’époque d’apporter mon don pour financer le projet.

J’ai reçu l’album récemment, et j’ai eu envie de faire une rapide chronique de celui-ci.

Ce qui m’a attiré, outre les textes en vieux français dont on peut deviner parfois le contenu, c’est l’interprétation avec quelques instruments, comme de la lyre, de l’orgue, de la flûte ou du tamborin. Les instruments et le chant se complètent pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Si on ferme les yeux en écoutant l’album, on peut se croire plonger dans un banquet de l’époque médiévale, avec un troubadour ou un trouvère qui chante pour faire plaisir à la noble assemblée.

Le livret donne une petite indication sur le contenu. Une bonne moitié de l’album est consacré à l’amour qu’il exprime à mot couvert une expression noble comme avec « Belle Doelle » ou encore « Comment qu’à moy lonlienne ». Ou dans une version un peu plus… guillerette avec des pistes comme « Ce fu en mai » ou encore « Quant voi la flor nouvele ».

Il suffit de voir des expressions comme « danse de l’amour » pour comprendre. Mais l’époque médiévale est aussi fortement emprunte de spiritualité. Il suffit de se référer à des pistes comme « Roÿne celestre », « O viridissa virga » ou encore la seule piste qui ne soit pas en vieux français mais en vieil allemand, Anckelwyse.

C’est un album qui permet de s’initier en douceur à la musique d’une période qu’on regarde souvent d’un oeil mauvais, et à tort.

À vous de l’écouter. Vous pouvez l’acheter par correspondance sur le site de Korydwenn. Mon seul regret ? Qu’il n’y ait pas plus d’extraits pour découvrir un peu plus l’album. Si vous aimez le chant médiéval, laissez-vous tenter 🙂

Ajout au 23 août 2016 : des extraits sont disponibles sur cette page du site officiel : http://korydwenn.wixsite.com/korydwenn/multimdia

16 réflexions sur « « Jardin Secret » de Korydwenn : une initiation au chant du Moyen Âge central ? »

  1. Spécial dans le sens de peu connu ? oui c’est spécial mais quelle magie que ce chant accompagné d’anciens instruments.
    Jolie découverte , merci Frédo !

  2. C’est assez sympa, mais est-ce que cela ne devient pas lassant au bout de 56 minutes ?
    Les banquets duraient bien plus longtemps que cela il me semble, mais ils mangeaient.
    A pluche.

  3. Enfin, j’ai été trop long, et peut-être inutilement virulent. Il est juste navrant de voir se perdurer des lieux communs. Pour ce qui est du vrai sujet de ce billet, la musique, on sent bien la parenté avec le chant grégorien dans certaines chansons comme « O viridissa virga » (ce qui, si mes souvenirs sont bons doit vouloir dire quelque chose comme « Ô la plus verte vierge »). Les autres frappent l’oreille comme plus exotique, notamment du fait de la langue employée, tout en ayant des consonances avec le chant traditionnel. Après, je suis loin d’être un spécialiste ; je ne me définirais même pas comme amateur de musique. Mais je ne peux que vous remercier de m’avoir fait découvrir cet album.

    Au plaisir.

    1. Le commentaire a été tellement long que WordPress l’avait poubellisé. Je l’ai retrouvé, et j’ai coupé la partie déjà publiée auparavant.

      Je suis d’accord que des lieux communs ont tendance à perdurer, mais je ne pouvais pas non plus faire une introduction de 18 pages 😀

      Pour la piste en question, c’est normal. Il est précisé dans le livert que c’est Hildegard von Bingen (1098-1179) parle de – je cite: « branche verdoyante » pour le miracle de la vie qu’elle (la Vierge Marie) insuffle au monde.

      C’est du vieux français qui est employé dans les autres chants, sauf l’ultime en vieil allemand. Ce qui explique le côté exotique que l’oreille peut entendre.

      De rien pour la découverte.

  4. Je suis navré, mais j’ai un peu de mal à laisser passer l’introduction de ce billet.

    Le Moyen-Âge correspond en fait à la période qui va de le Chute de Rome traditionnellement fixée en 476 (déposition du dernier empereur romain d’Occident), à la chute de Constantinople (1452), qui ouvre la période dite de la Renaissance. Il est à noter que ces dates sont flexibles, les contemporains n’ayant pas forcément eu l’impression de changer d’époque ou de voir la fin de l’Empire Romain. Un débat historiographique a même eu lieu autour de l’hypothèse du « long Moyen-Âge», en vertue de laquelle certains historiens (Jacques Le Goff par exemple) considéraient que du point de vue du temps long le Moyen-Âge continuait jusqu’au 18éme siècle, c’est-à-dire jusqu’à la Révolution Industrielle, dans la mesure où les structures fondamentales de la société et de la pensée sont en continuité. Ce qui ne signifie évidemment pas une absence de mouvements ou d’évolutions. La Renaissance elle-même est une idée consubstantielle au Moyen-Âge, comme en témoignent en particulier les Renaissances Othoniennes et Carolingiennes. La période que vous avez cité correspond à ce que l’on a longtemps appelé bas Moyen-Âge, et que l’on appelle plutôt Moyen-Âge central désormais. On parle aussi de « beaux Moyen-Âge pour la période des onzième et douzième siècles.
    L’autre point est le rôle que vous prêtez à l’église de cette époque en tant qu’obstacle, ou plutôt ralentisseur du progrès (scientifique en particulier). D’abord, il convient de noter qu’il y a eu progrès tout au long du Moyen-Âge. Et que la croissance économique, telle qu’on arrive à l’estimer, a été, avec des variations suivant les périodes, supérieure à ce qu’elle était dans l’antiquité romaine ou celte. Ensuite et surtout, l’idée d’un Moyen-Âge obscurantiste a été construite, volontairement et pour mettre en valeur leur présent censément supérieur, par les humanistes du 16éme, les érudits du 17éme et surtout par les Lumières. En particulier Voltaire et Rousseau dans le cas français. Ce sont les Lumières qui inaugurent la tradition historiographique du Moyen-Âge comme période obscurantiste et sous la tyrannie de l’Église. Il s’agit d’opposer à ces ténèbres (cet à cet époque que les anglais commencent à parler du Moyen-Âge comme « Dark Ages ») les vertus éclatantes des Lumières (qui d’ailleurs forgent les concepts modernes de « religion » et d’ « économie » ainsi que le montre Alain Guerreau). Cet thématique a connu une forte postérité en France sous l’école de la Troisième République pour d’évidente raison de mise en valeur du régime. Le problème, est non des moindre, c’est que cette thèse passe sous silence que l’Église a été le grand et continu moteur du savoir et de la recherche, et aussi de l’enseignement, sans parler de la place de la femme (que la Révolution Française a fait régresser) jusqu’au Lumière justement. Ce n’est qu’à ce moment que s’opère une rupture, suivi d’une crispation profonde le l’institution ecclésiale. À titre d’exemple, le procès de Galilée fait de ce dernier une victime de combat politiques, et non scientifique : il a servi d’homme de paille. Bref, non que j’essaie de dédouaner l’Église Catholique, où de l’exonérer de crimes ou de reproches, mais il temps maintenant d’essayer de ramener la perception que l’on a du Moyen-Âge et de l’Église médiévale à leur juste valeur, et non plus de les utiliser comme faire-valoir pour glorifier notre temps (qui n’en a pas besoin).

    Il semble qu’il y ait une limite de caractère pour ces commentaires, et que je l’ai atteinte. Je posterai la suite, positive, de mon commentaire plus tard.

    Au plaisir.

    1. Je suis navré, mais j’ai un peu de mal à laisser passer l’introduction de ce billet.

      J’ai simplifié volontairement. Mea culpa… Pour les frontières temporelles du Moyen Âge, certains auteurs prennent comme point de départ la scission de l’Empire romain vers 330.

      La période que vous avez cité correspond à ce que l’on a longtemps appelé bas Moyen-Âge, et que l’on appelle plutôt Moyen-Âge central désormais. On parle aussi de « beaux Moyen-Âge pour la période des onzième et douzième siècles.

      J’ai précisé : « Moyen Âge central » dans le titre et dans le court paragraphe d’introduction.

      Ensuite et surtout, l’idée d’un Moyen-Âge obscurantiste a été construite, volontairement et pour mettre en valeur leur présent censément supérieur, par les humanistes du 16éme, les érudits du 17éme et surtout par les Lumières. En particulier Voltaire et Rousseau dans le cas français. Ce sont les Lumières qui inaugurent la tradition historiographique du Moyen-Âge comme période obscurantiste et sous la tyrannie de l’Église.

      Idée en effet répandu à partir des explorations sur le continent américain, donc fin XVe, début XVIe. Ensuite, les historiens du XIXe s’en sont donnés à coeur joie.

      Surtout il ne faut pas oublier le combat mené par des rois comme Philippe Le Bel pour reprendre le contrôle de leurs territoires et faire comprendre à l’Église que le domaine de la politique devait rester aux mains des dirigeants de l’époque.

      Cf le déménagement de la papauté à Avignon.

      Quoique le grand schisme d’Occident (1378 à 1417) n’a pas vraiment aidé pour la popularité de l’Église catholique romaine où l’on voyait deux papes se disputer la tiare comme deux chiens se disputent un os. N’est-ce pas ce que critiquait John Wycliff ?

      Je considère que le Moyen Âge prend vraiment fin, non seulement après la chute de Constantinople en 1453, mais plus avec l’arrivée du protestantisme de Luther dont le chemin avait déjà été préparé par Wycliff ou encore Jan Hus.

  5. C’est pour Anatolem cette réponse. Pas vu le long et intéressant commentaire de Silius avant et ta réponse Frédo !
    C’est un trait d’humour il va de soit !

    1. Vu, mais il parait que le paon farçi n’était pas toujours facile à digérer, et je ne suis pas certain qu’un morceau de death métal puisse faciliter le transit.
      C’est un aussi avec humour qu’il faut prendre mon commentaire 😀
      A pluche.

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