Coup de gueule de vacances : et oui, le mot consommateur est constitué de quatre syllabes.

Dans un article qui arracherait des larmes à un crocodile empaillé, Jean Labadie, un producteur et distributeur de films se plaint, et je cite :

[…]Hadopi première version n’était pas parfait mais menaçait de sanctions ceux qui volaient (car, oui, le piratage est un vol) les ayants droit, auteurs, producteurs ou diffuseurs de films. Votre gouvernement n’a eu de cesse que de détruire cette entité sans avoir jamais, en deux ans, proposé une quelconque riposte contre les contrevenants. Pourquoi dans ce cas ne pas laisser chacun se servir dans les magasins d’alimentation ou de prêt-à-porter ? Ne serait-il pas aussi légitime de se vêtir et de manger à sa faim sans payer ?[…] »

Outre le fait qu’un fichier copié n’est pas volé, du moins au sens du Code Pénal, article 313-1 :
« Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. » et que la copie est définie comme étant : la « Reproduction d’une œuvre d’art, d’un bijou, d’une photo, etc.. », donc en faire un double, et qui reviendrait à dire que mathématiquement une soustraction est la même chose qu’une division, on peut voir que l’industrie du cinéma n’a pas compris qu’elle défend l’indéfendable.

L’article défend une VOD qui saucissonnerait la planète. Cela me rappelle quelque chose, une hérésie, une saloperie une source d’emmerdements sans fin : le zonage des DVDs.

Si les CDs et les VHS ont eu un énorme succès, c’était qu’il n’y avait pas de limitation géographique. Qui fait que je peux acheter un CD aux Etats-Unis ou au Japon auprès d’un artistes inconnus des grands catalogues et que ma platine peut les lire sans installer d’adaptateurs. C’est du « j’insère le CD et ça le lit. »

C’est trop simple à comprendre ou encore à mettre en oeuvre ?

L’article se plaint aussi de la pauvreté du catalogue de la VOD… Mais la faute à qui ? Aux vilains internautes qui sont écoeurés de payer la peau des fesses pour une offre aussi obèse qu’une personne souffrant d’anorexie mentale, avec des menottes numériques qui n’emmerdent que les utilisateurs technophobes ?

Parlons maintenant d’un anachronisme dans l’ère de l’accès instantané, à savoir la chronologie des médias qui ne concerne que les films. Entre la sortie d’un film et son arrivée sur format physique, 4 mois minimum. Un an pour les chaines payantes. 3 ans pour arriver sur la VOD.

Autant dire qu’il ne faut pas se plaindre de l’offre merdique de la VOD. Pourquoi ne pas laisser tomber de tels délais et proposer en simultané : sortie au cinéma, en version physique et en VOD ?

Entre payer 15€ une galette plastifiée et la regarder tranquillement assis dans mon canapé, et autant voire plus dans une salle de cinéma, avec le bruit ambiant de mastication de pop-corn et les personnes rotant sans gène leur soda, le choix est vite fait.

Peut-être aussi que le public cinéphile ne se limite pas aux personnes qui fréquentent les salles obscures, mais aussi à celles et ceux qui préfèrent le confort de leur appartement ?

C’est pour cela que je ne suis plus allé au cinéma depuis la sortie d’Harvey Milk, donc courant 2009.

Je n’ai pas vu dans d’autres domaines culturels comme la musique une telle distance entre les disponibilités des différentes versions. Si un groupe se voit imposer propose son dernier album au format physique et numérique, c’est rarement avec 4 mois de décalage.

Parmi les facteurs qui expliquent la copie illicite, c’est aussi la mauvaise qualité de l’offre. Combien de séries de films ont connus un « reboot » sur les 10 dernières années ? Combien de suites de films à succès avec des résultats variables à leur sortie ?

Cela me fait penser un peu à la production en série d’artistes et de groupes jetables sortis des coulisses des télé-crochets depuis une dizaine d’années, ou encore à la pratique de certains éditeurs qui ont proposé après le succès d’Harry Potter des clones ad-nauseam. Sans oublier les histoires de vampires et de dragons.

Un dernier point que semble oublier les producteurs culturels, c’est que la culture, ce n’est pas un besoin économique primaire. Il est plus important pour une personne de pouvoir se nourrir, se loger, se vêtir que d’aller voir le dernier étron à la mode.

Durant des années, avant l’arrivée du méchant internet qui rend obsolète votre modèle économique, vous pouviez sans trop de problème faire votre loi et imposer les pires navets (dont même un potager aurait honte) sans que les personnes se révoltent.

Depuis l’arrivée du haut-débit, les personnes ont appris à utiliser des moteurs de recherches et à récupérer des oeuvres sans toutes les hérésies techniques comme les DRMs. En clair, ils sont devenus indépendants.

Vous avez durant des années retenus du terme consommateur uniquement la première syllabe. Les consommateurs ont repris le pouvoir, et vous récoltez ce que vous avez semé.

Je ne vous plains que pour une chose : votre incapacité de voir que vous êtes en train de disparaître. Est-ce un mal ? Est-ce un bien ? Seul l’avenir nous le dira.

Mais comme pour la musique avec des sites comme Bandcamp, j’ai pu découvrir des dizaines de groupes dont je n’aurai jamais soupçonné l’existence, il y aura bien un Bandcamp cinématographique qui redorera le blason d’une industrie que vous avez trainé dans la boue !

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